1914 - L'INVASION ALLEMANDE - 1918


6. LE 22 AOÛT 1914 À GILLY

La garde civique de Gilly descendait la chaussée de Fleurus en direction du haut du Sart-Allet afin de prendre contact avec l'ennemi Allemand.

Gilly | Haut du Sart Allet. À gauche tramway TEPC (Tramways Électriques Pays de Charleroi) vers Fleurus. À droite rue de Namur et/ou rue du Wainage. En face : Inde Hesp | Épicerie le Jambon. Importation directe - Différentes fabriques | Vente de margarine - Vins & liqueurs.
Joseph Dewinter habitant cet endroit aperçu arrivant du fond de l'Abbaye de Soleimont, montant vers la chaussée de Fleurus, deux soldats Uhlans uniforme gris-vert. Ces cavaliers prirent alors la direction de Gilly Quatre-Bras.

La garde civique se trouvait alors sur le haut du Sart-Allet d'où elle apercevait les deux cavaliers Uhlans à 400 mètres.

Restant à l'abri du regard des deux cavaliers Allemands, la garde civique rebroussa chemin vers les Quatre-Bras en criant aux habitants: « mettez-vous à l'abri, les Allemands arrivent ! »

Venant de Charleroi, un side-car avec deux soldats français à bord, uniforme bleu et kaki, pantalon blanc et rouge descendaient eux aussi la chaussée de Fleurus, se dirigeant vers Soleilmont, Fleurus. Rencontrant la garde civique, ceux-ci prévenaient les deux soldats français de l'arrivée des Allemands. Les soldats français retournèrent vers Charleroi.

L'après-midi, les soldats allemands arrivèrent en nombre cette fois. Le soir ces soldats prirent logement chez l'habitant, visitant les immeubles de la chaussée de Fleurus.

Les parents font obligatoirement dormir les enfants sur les paliers d'escaliers.

C'était l'invasion de notre région par les troupes du Kaiser, ils sont nombreux à la place Saint-Rémy, où un soldat allemand prend un enfant sur les jambes et lui offre une saucisse. Plus tard l'enfant habitait Gilly-Corvée. De ce côté, pas d'autre incident ! Le lendemain, la troupe reposée ne tarde pas et disparaît.

La famille Gérard Marcel. Chaussée de Châtelet à Gilly. Son grand-père était propriétaire d'une ferme à la rue de la Lune à Gilly où les troupes allemandes du Kaiser stationnèrent.

Gilly | Place et Église Saint-Remy, place Ferrer ou communément place du Village.
Mademoiselle Michaux entourée de part et d'autre par les sœurs Lahaye en blanc. Parfumerie Coiffeur G. Martin Bodart | Tabacs Cigares. À la fenêtre du premier étage une maman montre son bébé.
Venant de Jumet-Hamendes, deux cavaliers Uhlans (éclaireurs) arrivent à Gilly Mastelles et nous recommandent de mettre des drapeaux blancs en évidence aux fenêtres. Une heure plus tard arrive une troupe, maintenant devant elle des civils, stoppe en face de chez nous (Mme Dallons) et place les civils dans un pré en face, entre deux bosquets, qui se prolonge jusqu'au château Mondron. Les otages ou boucliers ont la chance de faire une halte, ce sont des enfants, des femmes, des hommes. Parmi ces otages, un homme de Marchienne-au-Pont ! « Chez nous », disait-il, « la tuerie ne s'arrête pas, les soldats mettent le feu aux immeubles de Monceau à Marchienne ». René Dallons (fils) poursuit : « Les soldats nous réclamèrent de la boisson, de la nourriture et de l'eau pour se rafraîchir ».

Arrive alors un officier blessé, qui sollicite l'aide de ma mère, alors qu'il se soignait lui-même, ensuite, un soldat lui fit une demande, ma mère, ne comprenant pas l'allemand, demanda alors : « Qu'est-ce que c'est : » aussitôt, le soldat furieux et vociférant se lança sur ma mère, l'officier hurlant l'arrêta net ... Cet officier remit à ma mère une attestation de recommandation et un moment plus tard, les civils devant eux, ils partaient vers Gilly Haies et la rue du Calvaire. L'officier et quelques soldats étaient Lorrains, (Alsace) parlaient le français et étaient rassurants.

Emmanuel De Behr, greffier adjoint près du tribunal de Charleroi, demeurant 41 chaussée de Bruxelles à Jumet, fait la déclaration suivante : « Le 22 août, vers 8 heures 30', ma porte fut enfoncée par les soldats, cinq ou six fusils étaient braqués sur moi. Je fus empoigné brutalement et lancé au milieu de la rue. Il en fut de même de ma femme, comme je la retenais, elle fut arrachée de mes bras et tomba évanouie. Avec d'autres citoyens, je fus placé en tête des troupes. Le groupe de civils était entouré d'une corde et c'est de cette manière que nous fûmes conduis à Gilly (Hauchies). Les Prussiens nous firent agenouiller sur le pavé pendant une demi-heure, nous crachèrent à la figure et lancèrent leurs baïonnettes vers nous. Plusieurs en furent atteints. Quelques instants après survint un chef qui me rendit la liberté avec huit ou neuf autres otages ».

L'Infortune de la famille Barbiaux : le même jour, le 22 août 1914, des troupes allemandes tenant devant elles des civils, montent la rue des Hauchies (celui-ci ne peut être que le groupe précédant) et par la rue Saint-Bernard et la chaussée de Lodelinsart arrivent à la hauteur de la rue Tourette. L'immeuble qui forme l'angle de cette rue et la chaussée de Lodelinsart (côté bas) est la boulangerie de mon oncle Jean-Rémy Barbiaux où mon père travaille plutôt en famille.

À la hauteur de notre boulangerie, les Allemands nous réclamèrent avec insistance des boissons et de la nourriture.
Gilly | Chaussée de Lodelinsart. A gauche rue Tourette et Boulangerie Barbiaux, ensuite librairie, épicerie... À ce jour, funérarium. Les immeubles suivants furent incendiés en 1914 par les Allemands.

Mon oncle arriva sur le seuil de sa maison, des pains sur les bras, il était suivi de son épouse, née Anna Flémalle. À cet instant, ils reçurent le feu de plusieurs coups de fusils, mon oncle était mort instantanément, ma tante reçut une balle dans l'oeil et survécu défigurée. Combien de victimes : pas de recensement ...
La terreur s'emplifia, les soldats mirent le feu aux immeubles à partir de notre boulangerie (pas touchée) sept ou huit en descendant vers Saint-Bernard.

« Je n'avais que deux ans à peine, ma mère m'ayant dans les bras, s'était enfouie dans la paille au-dessus de l'écurie qui se trouvait dans le prolongement de la boulangerie à la rue Tourette. L'incendie, par chance, ne parvint pas jusqu'à nous ! La troupe qui maintenait constamment les otages devant elle, s'en alla par la rue du Calvaire où elle mitrailla les façades, les fenêtres, les portes... alors que par la rue des Sept Actions, des Uhlans chargeaient des soldats français vers le Warmonceau. Notre métier persista, moi-même ayant tenu une boulangerie à la chaussée de Ransart entre le maréchal-ferrant, M. Brabant, et son homologue Prosper Veny rue du Réservoir ».

Gilly-Haies | L'Église Sainte-Barbe place des Haies.

M. Debruyne en famille : « La pièce éclairée par une lampe à pétrole, où encore soucieusement mes parents enlevaient les couvercles du poêle, afin que le charbon incandescent illumine notre intérieur. Le soir, mon grand-père et mon père me racontèrent bien souvent leurs vécus de la guerre 1914-1918 que j'écoutais avec attention ». A Gilly Haies, les Allemands placèrent une mitrailleuse à l'arrière de la place entre l'Église et la rue Tourette. Aussitôt les balles pleuvaient dans les façades, les fenêtres et les portes, de la rue des Sept Actions, sentier de la Limite et vers le Warmonceau. A l'intérieur des maisons, des éclats à n'en plus finir : il fallait se blottir au mieux. Mon grand-père aida au transport d'un blessé dans une pharmacie de Gilly Haies, alors que les soldats allemands se reculèrent pour faire place aux porteurs. Combien de victimes : pas de recensement. La place des Haies était encombrée (troupes, charrettes, Chevaux ...) Les troupes et les otages quittèrent la place des Haies, par la rue des Sept Actions et le Warmonceau.

De Mme Descamp, chaussée de Montignies à Gilly, née en 1912 : « J'étais très jeune, mais ce que je retiens de mes parents est démentiel. Ainsi, chez Mme Pichener un peu plus bas que chez nous, immédiatement après le garage Citoën (Coenen) (cette dame était la tante de l'instituteur Vandendriese de Gilly) où les Allemands exigèrent que Mme Pichener jette son bébé dans la citerne. L'enfant décéda presque instantanément. Désemparées bien des mères se cachaient dans leur citerne. (Trois tués jetés dans leur citerne) (immeubles longeant l'autoroute, chaussée de Montignies à Gilly, appelée jadis cour Van Hamme  ». Le viol était aussi en évidence, une jeune dame prenant son travail chez la famille Gérard à la rue de La Lune à Gilly. La famille, qui habite le quartier, préfère garder le silence (1992).

« Je me souviens, en 1922, j'avais dix ans, les immeubles situés à partir du deuxième virage de la chaussée de Montignies en venant de Gilly, des deux côtés, étaient encore sinistrés, alors qu'ils avaient été en partie incendiés jusqu'à Montignies-sur-Sambre pendant la guerre. Là non plus, pas de recensement ... »