1914 - L'INVASION ALLEMANDE - 1918


7. LA FUITE SOUS LA PLUIE

(Alors que j'étais toujours pieds nus en 1918)
De Joseph Dewinter : « J'avais 11 ans. Un camion allemand aux roues d'acier (avec aspérités usées) patinait en montant la rue du Wainage. Le sol humide, les nombreux nids de poules, la boue et les pierres bloquaient définitivement le camion, je regardais alors ces deux soldats allemands qui réquisitionnaient deux chevaux à la ferme voisine. Lorsque les soldats montèrent à cheval, je montai en croupe avec l'un d'eux. Ils prirent la direction de Namur par Lambusart, Baulet ... En chemin, je chantais : la choucroute Ah l'Allemagne capoute. »

Parvenu à Spy, je saluais les deux soldats et revenais chez moi dans l'après-midi, évidemment pieds nus, jamais de chaussures  » Mille neuf cent nonante-trois : « J'ai 86 ans  », moment crispant, contenant sa peine Joseph poursuit : « Je n'ai jamais vu ma mère avec des chaussures, uniquement des sabots, raison pour laquelle on l'appelait, dans le quartier, Marie Clown. Au catéchisme, constamment pieds nus, le curé refusait ma présence mais adroitement me faisait un bon pour une paire de sabots à prendre au magasin Taildeman (coin gauche du sentier) actuellement rue de Centenaire. La rue du Wainage, appelée également rue de Namur, était à l'époque le chemin le plus court pour se rendre en cette ville. »

Après ces journées tragiques d'août, ce fut quatre longues années d'occupation avec leurs cortèges de privations, de rationnements, de misères, de tracasseries, d'amendes. Le cuivre, le cuir, la laine et les chevaux furent réquisitionnés. Les habitants devaient céder une ou deux pièces de leur maison. L'ennemi confisquait jusqu'à 75%' de la production charbonnière, le combustible était rare et coûteux.

L'hiver 1916-1917, la température extérieure était de moins 16°. Un arrêté de 1917 ordonna la fermeture de toutes les écoles. Spolié de presque toutes nos ressources et par un blocus des plus rigoureux, le pays fait face en créant un comité national pour le ravitaillement de la population civile, exemptée de réquisitions militaires.

Sous le patronage d'une commission américaine d'abord et, à l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, d'un comité hispano-néerlandais, le comité national de ravitaillement fonctionna malgré toutes les difficultés, distribuant vivres et vêtements, un service médical, coins de terre, soupe populaire, l'alimentation de la première enfance; lait, phosphatine et déjeunés aux futures mamans, repas scolaires et couques, lard et saindoux venant d'Amérique.

1939-1945
Je ne pense pas que l'histoire offre beaucoup d'exemple d'une telle catastrophe d'une nation.

A ce jour, l'Europe ne peut se concevoir sans la moindre partie de ces nations. Plus de population condamnée. Plus d'intrigues. Plus de génie malfaisant.